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Droits et obligations des fonctionnaires : le statut général revisité

 

Annoncée fin janvier 2013 par Marylise Lebranchu, ministre de la fonction publique, la rénovation du statut général de la fonction publique se précise. Le projet de loi sera déposé à l’occasion de ses 30 ans. Il s’inscrit dans un contexte tendu, à la suite de « l’affaire Cahuzac » et des décisions du gouvernement pour moraliser la vie publique.

Le titre I du projet de loi publié mardi 21 par Acteurs publics renforce la place des valeurs de la fonction publique et les dispositifs applicables en matière de déontologie et de prévention des conflits d’intérêts.
Le titre II actualise les obligations et garanties accordées aux agents.
Le titre III inscrit dans le statut général l’exemplarité des employeurs publics en complétant des dispositions en matière d’égalité professionnelle et concernant les non titulaires.

Daté du 17 mai, l’exposé des motifs de l’avant-projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires affirme en préambule que le statut reste le cadre le plus adapté pour « concilier l’exigence de neutralité et d’indépendance des agents avec les besoins sans cesse renouvelés de l’action publique » et qu’il est « gage de continuité et de cohésion au service des collectivités publiques et des citoyens ».
Mais, précise ce texte, « les nombreuses évolutions qui ont transformé la sphère publique ont renouvelé le besoin des agents de retrouver le sens et les valeurs qui guident l’action publique ».

Le gouvernement entend ainsi réaffirmer le devoir d’exemplarité des employeurs et des agents publics.

 

L’agent public garant de principes déontologiques

L’article 1er de l’avant-projet de loi « relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires » inscrit dans le droit de la fonction publique les valeurs de « dignité, probité et impartialité », ainsi que les obligations « de neutralité et de réserve » qui garantissent un égal traitement et le respect de la liberté de conscience de chacun. Il réaffirme le respect du principe de laïcité par les fonctionnaires.

Au-delà de ces valeurs, l’agent public devient, à travers l’article 3, le premier gardien des principes déontologiques inhérents à l’exercice d’une fonction publique. Il « veille à prévenir et à faire cesser immédiatement les situations de conflits d’intérêts, définies dans la loi, dans la mesure où une telle situation est de nature à compromettre l’exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions ».

S’il se trouve en situation de conflit d’intérêt, il devra saisir son supérieur hiérarchique qui appréciera s’il faut confier le dossier ou la décision à un autre agent. En cas de délégation de signature ou de décision collégiale, celui-ci devra s’abstenir de signer ou siéger. Celui qui relaterait ou témoignerait de bonne foi de conflits d’intérêts bénéficiera de garanties pour le déroulement de sa carrière.

Le texte reprend ainsi les préconisations des commissions Sauvé puis Jospin sur la mise en place d’un statut protecteur des lanceurs d’alerte.

 

Conflits d’intérêts : déclarations obligatoires et sanctions prévues

L’article 4 porte plus précisément sur la prévention des conflits d’intérêt, notamment aux fonctions exposées, dont la liste sera précisée par décret en conseil d’Etat.

Les agents concernés devront déclarer leurs intérêts dans les deux mois suivant leur prise de fonction à leur autorité hiérarchique qui appréciera la situation et, le cas échéant, enjoindra à l’agent de la faire cesser ou transmettra la déclaration à la commission de déontologie de la fonction publique.

Cette transmission sera systématique pour les agents assujettis à l’obligation de déclarer leur situation patrimoniale. Le fonctionnaire qui ne mettrait pas fin au conflit d’intérêt verrait la décision de nomination le concernant retirée.

Si les agents publics restent par ailleurs libres de gérer leur patrimoine individuel et familial, les plus exposés devront confier, dans les deux mois de leur prise de fonction, un mandat de gestion à un tiers pour la durée de leurs fonctions, sans droit de regard. Les agents « objectivement exposés » à un risque de conflit d’intérêts, au regard du niveau hiérarchique ou de la nature de leurs fonctions devront transmettre à la commission de déontologie de la fonction publique une déclaration de situation patrimoniale dans les deux mois de leur prise de fonction et dans les deux mois de leur cessation d’activité.

 

Cumul d’activités : le service à plein temps incompatible avec la création ou la reprise d’entreprise

Pour limiter les cumuls d’activités, assouplis en 2007 et 2011, l’article 6 de cet avant-projet de loi prévoit d’interdire tout cumul entre un service à plein temps et la création ou la reprise d’une entreprise donnant lieu à immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, ou impliquant l’affiliation au régime micro-social simplifié, ainsi que l’occupation d’un autre emploi permanent à temps complet ou incomplet.

Il resterait cependant possible aux lauréats de concours administratif ou aux agents non titulaires de droit public de continuer à exercer leur activité privé pour une durée limitée. Les agents occupant un emploi permanent à temps incomplet ou non complet pourraient continuer à le cumuler avec un autre emploi à temps incomplet ou non complet, s’ils sont employés à moins de 70 % d’un temps complet. Dans les deux cas, une déclaration sera transmise à l’autorité dont ils relèvent et, pour information, à la commission de déontologie de la fonction publique.

 

Activités accessoires : l’enseignement et la liberté de création préservés

L’exercice d’une ou de plusieurs activités accessoires, par exemple comme enseignant associé, resterait possible, après autorisation de l’autorité dont relève l’agent.

Le principe de libre production des œuvres de l’esprit par les fonctionnaires est préservé : les membres du personnel enseignant, technique ou scientifique des établissements d’enseignement notamment et les personnes pratiquant des activités artistiques pourront continuer d’exercer les professions libérales découlant de la nature de leurs fonctions. Mais l’autorisation de cumuler la création ou la reprise d’une entreprise avec un service à temps partiel est supprimée par l’article 7 qui prévoit des dispositions transitoires.

 

Commission de déontologie : des pouvoirs renforcés

Les compétences de la commission de déontologie de la fonction publique se voient élargies par l’article 8. Celui-ci prévoit que la commission contrôle l’ensemble des départs de fonctionnaires et de non titulaires de droit public vers une activité lucrative.

Alors que son rôle consistait jusqu’à présent à examiner les situations de « pantouflage » (départs vers le secteur privé d’agents publics) et les cumuls d’activités, elle deviendrait garante du respect de principes déontologiques inhérents à l’exercice d’une fonction publique.

Elle pourrait ainsi rendre des avis préalables, émettre des recommandations de sa propre initiative et diffuser des bonnes pratiques déontologiques. Elle aurait aussi la faculté de rendre publics ses avis et recommandations.

Sa saisine deviendrait obligatoire pour tout départ vers une activité privée au regard des trois années le précédant. Le délai d’auto-saisine de son président serait porté de dix jours à trois mois. La commission jouerait en outre un rôle de contrôle préventif : elle apprécierait non seulement l’atteinte à la dignité des fonctions ou le risque de mise en cause du fonctionnement normal, de l’indépendance ou de la neutralité du service, ce qui était déjà le cas, mais plus largement, la méconnaissance par l’agent d’une situation de conflit d’intérêts ou de tout autre principe déontologique inhérent à l’exercice d’une fonction publique.

Des sanctions disciplinaires sont prévues pour les fonctionnaires qui ne se conformeraient pas à son avis.

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